Offrez-vous un repas à la manitobaine : un savoureux ragoût d’orignal aux légumes-racines d’hiver

Publié le 15 février 2019 | Auteur Kirsten Buck

Ayant grandi au sein d’une famille crie, l’un des premiers mots que j’ai appris est michiso, qui veut dire « manger »! J’ai passé la majeure partie de ma petite enfance dans ma famille maternelle, les Garson, à Split Lake, au Manitoba, ou dans la Nation crie Tataskweyak. Split Lake est une petite communauté autochtone située entre Thompson et Gillam, à plus de 900 km au nord-est de Winnipeg. Quand nous étions enfants, les adultes nous encourageaient à aller jouer dehors avec nos cousins et nos amis, du réveil à la tombée de la nuit. Nous passions nos journées à courir dans les bois, à faire du vélo, à construire des forts secrets, à cueillir des baies et parfois à aller pêcher au lac. Toutes les raisons étaient bonnes pour être dans la nature, ou simplement à l’extérieur de la maison. Ces expériences nous ont laissé de fantastiques souvenirs d’enfance.

Mon cho-chum (grand-père), Noah Garson, ne parlait pas anglais. Il s’adressait à nous en cri et, d’une manière ou d’une autre, nous comprenions toujours ce qu’il essayait de nous communiquer même si nous, les enfants, nous ne connaissions pas bien cette langue. Je n’oublierai jamais son regard si bienveillant, son rire contagieux et son grand sourire chaleureux. Mon grand-père était un chasseur et un trappeur aguerri. Ces activités lui permettaient de gagner sa vie et de prendre soin de sa famille, ce qu’il faisait très bien. Il partait chasser durant des mois, habituellement tout seul, et il revenait avec des peaux qu’il vendait aux enchères, du poisson frais, du thé sauvage du Labrador et assez de viande de caribou pour nourrir tout le monde. Ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était de se retrouver dans les bois qu’il appelait son « paradis ». Je l’ai accompagné une fois seulement pour aller chercher des provisions larguées par avion et c’est là que j’ai compris pourquoi il adorait ça. C’était une terre vierge et sauvage, empreinte de sérénité, de paix et de calme.

Sa ligne de piégeage se trouvait à 90 km au nord de Split Lake. La minuscule cabane à la ligne 39, qui s’appelait Awakekamak, s’élevait près du fleuve Churchill. Cet endroit du bout du monde n’était accessible que par avion durant l’été et par motoneige, en hiver. Après avoir attaché son traîneau artisanal (mais très robuste) à sa motoneige Elan 1984, il faisait sept heures de route jusqu’au lac, par des températures avoisinant les - 4o degrés Celsius, en compagnie de son chien Sparky. Il emmenait toujours un de ses chiens pour avoir de la compagnie et de l’aide. Bien entendu, le chien pouvait se reposer bien au chaud dans le traîneau durant les longs trajets. Nous étions tristes à l’idée que nous ne reverrions pas grand-père avant des mois et nous attendions avec impatience qu’il communique par radio, ce qu’il faisait de temps en temps.

À son retour de la ligne de piégeage, la famille se réunissait toujours chez mes grands-parents, surtout quand il y avait de la viande de caribou sur le feu. Mes grands-parents la faisaient toujours cuire de la même manière. La viande était coupée en petits morceaux et cuite à feu doux dans une épaisse poêle en fonte avec des oignons jaunes durant deux ou trois heures ou jusqu’à ce qu’elle soit tendre. Une sauce se formait pendant la cuisson. Vers la fin, on ajoutait du sel et du poivre et ce ragoût était toujours accompagné de purée de pommes de terre et d’une tranche de bannock bien chaude. C’est un plat très simple, mais toujours aussi réconfortant et délicieux.

Même si nous vivons maintenant à Winnipeg, ma famille et moi-même sommes toujours heureuse de recevoir de la viande de caribou de temps en temps de Split Lake. Mon oncle Mike avait pris la relève bien avant le décès de grand-papa et il participe aujourd’hui au programme d’alimentation saine mis en œuvre à Split Lake et dont l’objectif est de fournir du gibier et du poisson à toute la communauté. Je suis tellement fière de voir avec quel enthousiasme il essaie de préserver les traditions et le mode de vie autochtones, avec l’aide de plusieurs hommes et femmes de Tataskweyak et des environs.

Quel est le goût de la viande de caribou?

Cela dépend de chacun. Certaines personnes trouvent qu’elle a un goût prononcé de gibier, tandis que d’autres lui trouvent une saveur plus suave rappelant celle du bœuf de pâturage. Le goût de la viande dépend de l’animal et de son habitat. Comme c’est une viande extrêmement maigre, nous la faisons mijoter (généralement sous forme de rôti) assez longtemps, jusqu’à ce qu’elle soit tendre.

Si je n’ai pas de viande de caribou, par quoi puis-je la remplacer?

Si vous ne pouvez pas vous procurer de viande de caribou, la viande de bœuf de pâturage, de bison ou de chevreuil (qui a un goût de gibier plus prononcé) fera l’affaire.

Au fil du temps, j’ai essayé différentes coupes de viande de caribou dans bon nombre de recettes. Le burger de caribou aux champignons sauvages et le sauté de steak de caribou au gingembre et aux cinq-épices sont deux de mes plats préférés. Mais j’ai toujours tendance à revenir au ragoût. Le copieux ragoût de caribou aux légumes-racines d’hiver est certainement l’un des plats les plus réconfortants, surtout durant la saison froide. Composé d’ingrédients simples et entiers, il est tellement appétissant. De la viande braisée dans un riche bouillon avec de bons légumes-racines. À mon avis, il n’y a rien de meilleur. Enfin… la seule chose qui peut le rendre encore plus délicieux, c’est de le servir avec une tranche de bannock bien chaude.

Bannock

Si vous êtes originaire du Manitoba, vous avez sûrement mangé du bannock dans votre enfance ou avez eu la chance d’y goûter. Le bannock est un pain plat à cuisson rapide très populaire dans les cultures autochtones. Il peut être cuit au four ou frit, et façonné en grandes portions rondes ou en portions individuelles. Certains y ajoutent de la mélasse et des raisins secs pour créer un délicieux dessert appelé « bannock brun », tandis que d’autres préfèrent la version simple. Mon souvenir préféré est de regarder mes grands-parents tremper un morceau de bannock dans leur thé avant d’aller dormir. Ce qui est intéressant avec le bannock, c’est que même si il est très facile à confectionner, tout le monde a sa propre recette. Durant des années, c’est mon père qui était le spécialiste du bannock à la maison. Sa recette était très simple : de la farine, de la graisse végétale, du sel, de la poudre à pâte et de l’eau. Son bannock avait toujours une mie moelleuse et une belle croûte dorée.

Les choses ont changé l’an dernier quand ma tante Liz est venue nous visiter et nous a préparé sa recette familiale. Nous étions très étonnés de voir qu’elle utilisait du lait chaud et un œuf ainsi qu’un mode de cuisson tout à fait différent. Nous étions impatients de voir le résultat final et nous avons été étonnés … c’est probablement le meilleur bannock que j’ai mangé de toute ma vie. Une texture super légère et moelleuse, croustillante en dessous et dorée sur le dessus. Je suis presque certain que mon père a adopté cette recette. Je suis très heureux de la partager avec vous. Je n’ai malheureusement pas réussi à créer une version sans gluten de la recette, mais j’espère y arriver bientôt.

De la famille Buck-Garson à la vôtre, j’espère que vous adorerez ces recettes autant que nous. Sachez qu’elles vous sont offertes par une fière famille tricotée serrée. Elles proviennent d’un endroit où la tradition et la culture sont bien vivantes et, surtout, d’un endroit où l’amour occupe une grande place. Réalisez ces recettes ensemble, ou séparément. N’oubliez pas d’étendre une bonne couche de confiture sur les restes de bannock, c’est tout simplement divin.

Ragoût de caribou aux légumes-racines d’hiver

Donne 4 à 6 portions

Ingrédients

  • 2 livres de rôti de caribou, coupé en petits cubes (voir la note)
  • 2 c. à table de farine tout usage ou de farine sans gluten
  • 3 c. à table d’huile d’avocat ou d’huile d’olive extra-vierge
  • 1 oignon doux moyen, coupé en morceaux
  • 6 gousses d’ail pressées
  • 3-4 carottes de taille moyenne, pelées et coupées en morceaux
  • 4 branches de céleri, sans les extrémités, coupées en petits dés
  • ½ tasse de vin rouge
  • 5 tasses de bouillon de bœuf
  • 1/2 c. à table de sauce Worcestershire
  • 1 c. à table de pâte de tomate
  • 1 c. à thé de thym séché
  • 1 c. à thé d’origan séché
  • 2 feuilles de laurier
  • 2 pommes de terre moyennes, pelées et coupées en morceaux
  • 1 rutabaga de taille moyenne, pelé et coupé en morceaux
  • 1 tasse de pois verts
  • 3 c. à table de persil frais haché, et un peu plus pour garnir le plat
  • sel et poivre au goût

Préparation

Mettre les cubes de viande dans un bol et assaisonner d’une généreuse pincée de sel et de poivre. Assécher la viande à l’aide d’un papier absorbant et saupoudrer la farine. Bien mélanger et s’assurer que la viande est bien enrobée. Réserver.

Chauffer l’huile à feu moyen-vif dans une grande cocotte ou une casserole. Dès que l’huile est chaude, y saisir les cubes de viande, en une seule couche (au besoin, le faire en deux fois). Éviter de mettre trop de cubes, car la viande ne brunira pas bien. Retourner les cubes jusqu’à ce que les cubes soient brunis de tous les côtés et que les bords soient croustillants. Déposer les cubes sur une assiette et réserver.

À feu moyen, faire revenir l’oignon jusqu’à ce qu’il dégage son parfum et soit translucide, environ 6 à 7 minutes. Ajouter l’ail, les carottes et le céleri et cuire 30 secondes de plus, jusqu’à ce que l’ail dégage son parfum et ait ramolli. Ajouter le vin rouge et, à l’aide d’une cuillère en bois, racler les petites particules brunes qui se sont formées au fond de la casserole. Cette étape est importante car elle ajoute de la saveur au ragoût.

Ajouter les cubes de viande brunis, le bouillon de bœuf, la sauce Worcestershire, la pâte de tomate, les herbes et les feuilles de laurier dans la cocotte et porter à lentement à ébullition. Ajouter ensuite les pommes de terre et le rutabaga, remuer pour bien mélanger et couvrir la cocotte. Laisser mijoter le ragoût à feu doux pendant une heure et demie à deux heures, ou jusqu’à ce que la viande soit tendre. Ajouter ensuite les pois et le persil, et laisser mijoter encore 10 à 15 minutes.

Saler et poivrer au goût, parsemer de persil et servir avec du bannock.

Note : vous pouvez également utiliser du bœuf à bouillir, du bison ou du chevreuil.

Bannock de tante Liz

Ingrédients

  • 4 tasses de farine tout usage (voir la note)
  • 4 c. à table combles de poudre à pâte (la poudre à pâte Fleischmann à double action est hautement recommandée)
  • ¼ c. à thé de sel
  • 4 c. à table de beurre ou de graisse végétale (j’aime bien l’huile de noix de coco Nutiva)
  • 1 tasse d’eau
  • 1 tasse de lait
  • 1 œuf

Préparation

Préchauffer le four à 400 °F.

Dans un grand bol, combiner la farine, la poudre à pâte et le sel et bien mélanger. Ajouter le beurre ou la graisse végétale. Incorporer le beurre à la farine en le frottant entre vos doigts pour le fragmenter jusqu’à ce qu’il ne reste plus de gros morceaux de beurre. Le résultat final doit ressembler à une pâte friable.

Dans une petite casserole (ou dans un four à micro-ondes), chauffer l’eau et le lait ensemble jusqu’à l’obtention d’une température tiède (entre 90 et 100 °F). Incorporer l’œuf en battant à l’aide d’un fouet.

Incorporer lentement le mélange liquide dans le mélange de farine. Pétrir jusqu’à l’obtention d’une pâte (au besoin, saupoudrer de la farine sur les mains). Couvrir la pâte avec un linge et laisser reposer dix minutes.

Pendant ce temps, enduire une plaque de cuisson antiadhésive d’une généreuse couche de graisse végétale (ou d’huile de coco). Enfourner la plaque durant sept à dix minutes.

Retirer délicatement la plaque du four et y étendre la pâte sur l’huile chaude. Presser la pâte avec les doigts pour former un ovale d’environ ¾ de pouce d’épaisseur. Piquer la surface de la pâte à l’aide d’une fourchette.

Cuire durant 15 minutes, puis placer la plaque sous le grill ou à vive température durant encore quatre à cinq minutes jusqu’à ce que le bannock soit d’un beau brun doré. Bien surveiller le bannock quand il est sous le gril car il risque de brûler assez vite.

Déchirer en morceaux et servir chaud avec du beurre et un ragoût d’orignal. Conserver dans un contenant hermétique ou dans un sac afin d’en préserver l’humidité.

*Note : cette recette ne donne pas de bons résultats avec de la farine tout usage sans gluten. Nous avons essayé de nombreux mélanges différents, et les résultats n’étaient pas comparables.

À propos de l’auteur

Kirsten Buck is a Holistic Nutritionist, recipe developer, and food stylist based in Winnipeg, Canada. Follow along as Kirsten experiments with fresh whole food ingredients on Buck Naked Kitchen.

Holistic Nutritionist